samedi 28 avril 2012

Quel avenir pour la librairie indépendante?


En ce samedi consacré à la fête de la librairie indépendante, voici quelques réflexions sur les difficultés que connaissent actuellement les libraires, mais aussi sur les perspectives d'avenir qui se dessinent s'ils parviennent à opérer certaines mutations.


Paris Quartier Opéra: librairie
Paris Quartier Opéra. Par fredpanassac. CC-BY-NC-SA 2.0. Source: Flickr


La hausse de la TVA


Le site Newsring a lancé ce mois-ci un débat sur le thème: "La hausse de la TVA sur le livre condamne-t-elle les libraires?" Depuis le 1er avril, les livres sont en effet taxés à 7% contre 5.5% auparavant.  Avec une rentabilité nette moyenne de 0,3 % du chiffre d’affaires (étude du Cabinet Xerfi datée de mai 2011 pour le Ministère de la culture et de la communication et le Syndicat de la librairie française), la librairie est un secteur peu rentable et toute modulation des prix peut avoir des répercussions négatives sur sa survie même.   Certains éditeurs n'ont pas impacté la hausse de la TVA sur le prix des ouvrages, de sorte que le libraire est obligé d'absorber sur sa marge la hausse de la TVA. D'où le cri d'alarme du Syndicat de la Librairie Française

  • on peut estimer que la moitié des éditeurs français au moins, soit 2000 à 2500 éditeurs de petite taille, n'ont modifié aucun de leurs prix. Cette situation pénalise tout particulièrement les libraires qui constituent le circuit de vente disposant du fonds le plus important. Il est regrettable qu'une action de sensibilisation des éditeurs de petite taille aux enjeux de la hausse de la TVA, pour les libraires comme pour eux-mêmes, n'ait pas été conduite ;
  • plusieurs dizaines d'éditeurs de taille significative ont refusé, en toute connaissance de cause, de modifier leurs prix ou les ont augmentés trop faiblement pour en neutraliser l'effet en librairie. Ces éditeurs sont invités à modifier leurs prix dès que possible afin de ne pas pénaliser les libraires ;
  • l'effet conjugué de ces deux facteurs engendre inévitablement des pertes de marge en librairie

Nonobstant les problèmes de trésorerie générés par le manque de réactivité de certains éditeurs, il ne semble  pas que la question de la TVA soit la cause centrale des difficultés économiques que connaissent les libraires: bien évidemment, ils survivront à la hausse de la TVA. Le débat de Newsring est un faux débat (comme on parle de "faux nez"). La question n'est pas là... 


Les menaces qui pèsent sur la librairie indépendante


Les problèmes qui se profilent pour les libraires sont bien plus importants et complexes. J'en discerne principalement deux, totalement hétérogènes :

- le niveau élevé des loyers des librairies de centre ville qui étrangle la profession. Les collectivités locales sont juridiquement impuissantes pour juguler la spéculation sur les loyers

- le processus de désintermédiation qui rompt la chaîne traditionnelle du livre. La vente en ligne de livres papier et d'e-books par des grossistes fragilise depuis plusieurs années la librairie indépendante. Certains éditeurs  étrangers proposent déjà sur leurs sites la vente de leurs ouvrages, court-circuitant ainsi la librairie. 


Librairie Jonas rue de Tolbiac, nouvelles photos
Libraires, les temps sont durs, mais ne vous braquez pas  !
Librairie de Jonas, Tolbiac, nouvelles photos. Par fredpanassac. CC-BY-NC-SA 2.0. Source: Flickr


Pistes d'actions


Nous sommes à un tournant de l'histoire de la librairie. Ou bien les libraires saisissent le grand virage, ou bien certains resteront sur le carreau. Les libraires doivent mettre en place des stratégies pour surmonter le détricotage et le redéploiement sous de nouvelles formes des relations entre les acteurs des métiers du livre. Voici quelques pistes d'actions :

- interdiction de la gratuité des frais de port (cf le rapport sur l'avenir de la librairie de mars 2012) pour mettre un terme à des rabais déguisés.

implication accrue des libraires indépendants dans la vente en ligne via leur propres sites et mutualisation des moyens à un niveau national pour faciliter le déploiement des activités de vente en ligne de la librairie indépendante, que la vente porte sur des ouvrages papier ou des e-books. "Le projet 1001Libraires.com, comme l'indique la présentation du site, est un projet collectif et interprofessionnel constitué grâce à une initiative du Syndicat de la Librairie Française (SLF). L’objectif de ce projet [est de] permettre à toutes les librairies indépendantes d’accéder à la vente en ligne de livres numériques et physiques, et aussi de se doter d’un site leur permettant une extension pertinente de leur travail de libraires sur Internet." Le site 1001libraires.com est une excellente idée qui hélas, est en pratique un échec: le projet est loin de dépasser la cinquantaine de librairies. Pour aider à la renaissance de 1001libraires.com, les rédacteurs du rapport sur la librairie proposent entre autres mesures la mise en place d'une application informatique de géolocalisation dite "Bookfast", qui permettrait à l'internaute de connaître en temps réel l'endroit le plus proche où acquérir le livre qu'il recherche.

- implication des librairies dans le marché naissant du POD (Print On Demand). Cette prestation nouvelle aura vocation à mettre à disposition des lecteurs deux types d'ouvrages. D'une part, cela concerne dans un avenir plus ou moins lointain, les ouvrages indisponibles du XXe siècle. L'article 3 de la loi relative à l'exploitation numérique des livres indisponibles du XXe siècle prévoit en effet que "les organismes représentatifs des auteurs, des éditeurs, des libraires et des imprimeurs engagent une concertation sur les questions économiques et juridiques relatives à l'impression des livres à la demande." D'autre part, sont également concernés par le POD les ouvrages de création. Dans un article visionnaire, l'auteur-éditeur François Bon expose les principales mutations du métier du livre induites par l'exploitation du POD. La maison d'édition Publie.net sera la première à expérimenter l'impression à la demande en juin 2012, grâce à un partenariat avec Hachette Livre. Le POD entraîne un bouleversement de l'organisation des librairies. D'abord elles devront s'équiper de nouvelles infrastructures pour répondre à la demande de ce nouveau service. Ensuite, elles ne gèreront plus des stocks mais des flux: les ouvrages ne seront plus physiquement présents, ils seront virtuels quoique immédiatement matérialisables via l'impression à la demande. Les libraires seront donc appelés à mettre en valeur ce catalogue d'ouvrages virtuels. En outre, la commande permettra à l'acheteur de récupérer sans surcoût l'ouvrage sous un double format: imprimé et numérique (fichier ePUB). Enfin, les auteurs seront eux-mêmes appelés à jouer un rôle actif dans le processus en recommandant sur leurs sites officiels les librairies qui proposeront la mise à disposition de leurs ouvrages via l'impression à la demande. La question de l'auto-promotion n'est pas anecdotique; François Bon prend acte du processus de désintermédiation qui casse partiellement ou totalement la chaîne du livre, et, au lieu de prononcer un anathème à son encontre, ébauche un nouveau modèle de diffusion-distribution du livre refaçonné à l'aune des pratiques sociales en réseau des lecteurs et des auteurs.

- enfin, le Syndicat de la Librairie fait 12 propositions pour la librairie indépendante :

  1. Considérer le livre comme un bien de première nécessité auquel doit s'appliquer le taux super réduit de TVA
  2. Renforcer les moyens d'intervention du Centre national du livre en faveur des librairies
  3. Doter un fonds d'aide aux librairies indépendantes grâce à une contribution prélevée sur les ventes de livres des « pure players » sur Internet
  4. Renforcer le label «Librairies indépendantes de référence« (LIR) en faisant bénéficier les librairies labellisées de nouveaux dispositifs d'aide et en généralisant les exonérations de Contribution économique territoriale dont elles peuvent bénéficier
  5. Mettre en place un médiateur du livre pour prévenir les conflits et rééquilibrer les relations entre les libraires et leurs fournisseurs
  6. Mieux encadrer les marchés publics de livres afin que les librairies n'en soient pas évincées
  7. Faciliter l'intervention des collectivités locales en assouplissant le cadre juridique
  8. Contenir la progression des loyers des librairies
  9. Favoriser la transmission des librairies en allégeant la fiscalité
  10. Engager une réflexion sur la suppression des rabais sur les ventes de livres
  11. Soutenir le «modèle ouvert« de distribution numérique
  12. Renforcer les actions en faveur de l'incitation des jeunes à la lecture
La 11ème proposition est particulièrement innovante. La voici détaillée dans la brochure publiée par le SLF:


Le sort de la librairie de demain dépend donc peut-être de la réussite du consortium Andromède, projet de cloud computing porté par Orange et Thalès. Financé à hauteur de 75 millions d'euros par la Caisse des Dépôts et de 150 millions par les deux sociétés, ce projet constitue le premier investissement du Fonds national pour la Sécurité Numérique (FSN). La librairie de demain sera-t-elle une librairie dans les nuages?

Pour conclure, on peut s'interroger sur  les différences entre le POD et le cloud computing. Le postulat du cloud computing est le même que celui du POD: les flux l'emportent sur les stocks (les livres papier ou le disque dur de l'ordinateur). Un élément majeur dissocie cependant les deux modèles:
- le cloud computing repose sur une économie de l'accès; le contenu se virtualise et se tient toujours à distance; comme l'écrivait Jeremy Rifkin dès 2000 dans L'âge de l'accès, un nouveau modèle économique se met en place dans lequel on n'acquiert plus un bien mais l'accès à un service; aux acheteurs et aux vendeurs se substituent des prestataires et des usagers
- le POD est d'abord un service et en ce sens, il est, comme l'informatique dans les nuages, sous-tendu par une logique de l'accès; cependant l'impression à la demande opère une "re-matérialisation" artificielle du contenu numérique et constitue donc un retour partiel au modèle de l'acquisition de la propriété d'un bien. Le POD résout en quelque sorte la quadrature du cercle de la librairie: comment substituer les flux aux stocks  sans prononcer la mort définitive de l'objet-livre...





Saint George and the Dragon
Saint-Georges, patron des libraires saura-t-il terrasser le dragon ?
Saint Georges et le Dragon, 1515. Lonhard Beck (1475-1542). Kunsthistorisches Museum de Vienne.
Saint George and the Dragon. Par Tjflex2. CC BY-NC-ND 2.0. Source: Flickr



mercredi 25 avril 2012

2011 et 2012: deux grands millésimes pour l'édition française

S'il est vrai que le millésime 2011 du Bordeaux n'est pas à la hauteur des deux précédents, s'il est vrai par ailleurs qu'on a parfois tendance à conjuguer art de lire et art de boire, alors filons la métaphore jusqu'à plus soif et demandons-nous si 2011 est un bon millésime pour l'édition française. Réponse : OUI. Et l'on n'a pas besoin d'être un grand expert ès œnologie pour prédire qu'il en sera de même pour 2012. Voici les raisons du succès.

Paris - Wine tasting
Paris - Wine tasting. Par Context Travel. CC-BY-NC-SA 2.0. Source:Flickr.



Politique tarifaire : vin sur vin


L'article 2 de la loi sur le Prix Unique du Livre Numérique du 26 mai 2011, dite "loi PULN" dispose que : "Toute personne établie en France qui édite un livre numérique dans le but de sa diffusion commerciale en France est tenue de fixer un prix de vente au public pour tout type d'offre à l'unité ou groupée."
L'article 3 ajoute: "Le prix de vente, fixé dans les conditions déterminées à l'article 2, s'impose aux personnes proposant des offres de livres numériques aux acheteurs situés en France." 
Autrement dit, le dispositif de la loi a vocation à s'imposer non seulement aux revendeurs situés en Farnce mais aussi à ceux situés à l'étranger, à la double condition que les livres revendus soient édités par une personne établie en France et que l'acheteur soit sur le territoire français. A ce niveau, la loi PULN revêt une dimension d'extraterritorialité (discutable, car la France ne saurait dicter sa loi aux autres Etats...) (1)

La loi PULN garantit aux éditeurs-vignerons français, avec l'aval du Ministère de la (Viti-) Culture,  une maîtrise totale des prix sur le territoire français. Il s'agit d'un dispositif qui aurait pu se réclamer du principe franco-français souvent dévoyé de "l'exception culturelle". Le Ministère de la Culture a préféré présenter patte blanche devant la Commission européenne et invoquer le principe plus européano-compatible de "protection de la diversité culturelle".

La loi PULN protège les éditeurs français et c'est bien normal, me direz-vous? Mais c'est tout de même un dispositif un peu étrange à l'heure de la dématérialisation et de l'internationalisation des échanges dans un contexte de libre concurrence... En tout cas, la Commission Européenne a bien failli censurer la loi, et il n'est pas dit qu'elle ne lance bientôt une procédure de mise en demeure contestant l’application de cette loi aux entreprises installées hors des frontières françaises

Au moment même où la loi PULN était discutée sur les bancs de l'Assemblée, éclatait en mars 2011 une affaire retentissante. La Commission Européenne, (encore elle), dépêchait des enquêteurs dans plusieurs pays auprès des principales maisons d'édition. Pour la France: Gallimard, Albin Michel, Hachette, Flammarion... Motif des perquisitions: le soupçon d'une entente sur les prix des livres numériques. Entendez: l'existence possible de contrats d'agence par lesquels l'éditeur s'assure que le détaillant revend les livres au tarif imposé. En décembre 2011, l'enquête s'est focalisée sur Apple et cinq éditeurs: Simon & Schuster, Hachette Book Group, Penguin Group, Mac Millan et Harper Collins.

Depuis mars 2012, Apple et les cinq éditeurs font également l'objet d'une enquête anti-trust menée par le Département of Justice aux Etats-Unis. Trois ont accepté le règlement proposé : Simon & Schuster, Hachette Book Group et Harper Collins. Selon les termes du règlement, les trois éditeurs devront mettre fin au contrat d'agence qui les lie à Apple. Les deux autres ainsi qu'Apple ont refusé l'accord. Deux autres enquêtes anti-trust sont en cours au Canada.

Quel rapport entre la loi PULN et les enquêtes européennes ou américaines sur les ententes illicites autour du prix des e-books? Le contrat d'agence ! La loi PULN est la généralisation du contrat d'agence à l'échelle du territoire français. Grâce à la loi "prisunic", les éditeurs français sont libres de pratiquer une politique tarifaire qui partout ailleurs en dehors de nos frontières, est qualifiée de pratique anti-concurrentielle! 


La loi PULN comme ultime bouée de secours... C'est à peu près l'esprit d'un récent communiqué du Syndicat National de l'Edition :

Les éditeurs français savent ce que la diversité et la qualité de l'offre, de la diffusion et de la prescription éditoriales doivent à la maîtrise d'un prix unique de vente au détail, valable pour tous les revendeurs quel que soit leur pouvoir de marché. Ils ont pour cela soutenu, en mai 2011, l'adoption d'une loi sur le prix du livre numérique, s'imposant aux firmes françaises et étrangères pour toutes les ventes réalisées sur le territoire français

En ces circonstances, le Syndicat national de l'édition tient à réaffirmer son attachement à cette loi. Il estime que les Autorités européennes, garantes de l'édification d'une Europe de la diversité culturelle, ne peuvent prendre pour modèle le traitement inadapté de cette affaire par le département de la Justice américain, relevant d'une vision mal ajustée de l'avenir du livre et contrevenant aux spécificités de la politique culturelle française.


Bref, si la loi française valide l'application organisée et systématique du contrat d'agence, c'est que l'Union Européenne et le reste du monde ont tort.... En dépit de sa balance extérieure déficitaire, il y a des choses que la France sait exporter: ses vins et... (en rêve) ses lois.


De l'art du ré-embouteillage

Le SNE a encore de nouvelles raisons de se réjouir depuis l'adoption le 22 février 2012 de la loi sur l’exploitation des oeuvres indisponibles du XXème siècle.

Champagne in the Pommery Caves
Champagne in the Pommery Caves. Par Michael McDonough. CC-BY-NC-ND 2.0. Source: Flickr.

Cette loi impose aux auteurs un mécanisme particulièrement impitoyable d'opt-out, inspiré des pratiques tant décriées de Google. Voir les analyses de @calimaq  que je résume ici:
- l'auteur n'a que 6 mois pour se manifester après l'inscription de l'un de ses ouvrages dans la base de données répertoriant les ouvrages indisponibles
- passé ce délai, le droit d’autoriser sa reproduction et sa représentation sous une forme numérique est exercé par une société de perception et de répartition des droits (SPRD)
- durant les 2 mois qui suivent, l'auteur peut encore faire opposition, à condition d’apporter “par tout moyen la preuve que cet éditeur ne dispose pas du droit de reproduction d’un livre sous une forme imprimée[inversion de la charge de la preuve au détriment de l'auteur]
- déséquilibre entre l'auteur et l'éditeur accentué par le traitement privilégié qui est accordé à ce dernier: comme l'écrit @calimaq, "la SPRD est tenue de retrouver et de contacter l’éditeur pour lui proposer d’exploiter l’ouvrage par lui-même, mais ce n’est pas le cas de l’auteur, que la société n’est à aucun moment obligée de rechercher"
- passés ces délais, il reste à l'auteur la possibilité de faire un recours, soit conjointement avec l'éditeur (hypothèse peu probable), soit seul à condition d'assumer la charge de la preuve.


Bref, la loi sur les oeuvres indisponibles est une loi faite pour les éditeurs sur le dos des auteurs. Ces derniers ne s'y sont pas trompés, mais ont réagi beaucoup trop tard (peut-être sont-ils restés paralysés sous l'emprise d'un grand sommeil alcoolisé... puis ils se sont réveillés avec une énorme gueule de bois). On a pu évoquer l'idée d'une "édition sans éditeurs", mais c'est une toute autre perspective que la loi ouvre ainsi: une édition sans auteurs... Loi au demeurant écologiquement responsable puisqu'elle fonctionne sur le mécanisme du recyclage commercial... Ou pour reprendre notre métaphore initiale, sur une remise en bouteilles.


Champagne pour l'édition française !




(1) Cependant, contrairement à ce qu'on peut lire parfois, le prix des livres numériques continue à entrer en ligne de compte dans le choix du titulaire du marché... Pour qu'il n'en soit pas ainsi, il faudrait qu'on se situe dans l'hypothèse où un marché public ne porte que sur des e-books édités par des personnes établies en France. Le dispositif de la loi ne s'applique pas aux livres édités par une personne établie hors de France. Libre à des éditeurs étrangers de fixer les prix des e-books comme ils l'entendent. Libre ensuite à des revendeurs (qu'ils soient ou non établis en France) de jouer sur le prix de revente des e-books des éditeurs étrangers. Il y aura donc bien au final une différence de prix d'un revendeur à l'autre, et le critère du prix des e-books reste un critère de sélection des candidats.

Pas de petits profits pour les éditeurs scientifiques

Il n'y a pas de petits profits pour les éditeurs scientifiques, y compris quand il s'agit d'éditeurs qui diffusent des revues à très fort facteur d'impact et dont la marge bénéficiaire annuelle est importante. Certains éditeurs ne manquent pas d'imagination pour concevoir des modèles économiques assez loufoques. On pense ici à un éditeur particulier que par charité on ne citera pas, mais dont on peut dire tout de même que son nom évoque très fortement la nature. Cet éditeur bucolique propose ou plutôt impose aux bibliothèques universitaires et aux laboratoires un modèle économique fondé sur un système de "barrière mobile" (on parle aussi d' "années roulantes"). 

Freight Train
Ne pas confondre barrière mobile et passage à niveau ! 
Freight train. Par Doug McG. CCY-BY-NC-ND 2.0. Source: Flickr

Le principe est le suivant: le nombre d'années d'archives auxquelles l'établissement abonné a droit est prédéterminé contractuellement, de sorte que l'établissement perd chaque année l'accès à une année d'antériorité dans la couverture chronologique. Dans le cas où le modèle tarifaire prévoit un accès aux 4 dernières "années roulantes" pour les archives, voici comment les choses se passent:

- à l'année n du premier abonnement, l'établissement a accès aux années n-4, n-3, n-2, n-1, n; soit, si l'on prend par exemple l'année 2011 comme année de référence (date à laquelle l'établissement aurait souscrit pour la première fois un abonnement à la revue): accès aux années 2007, 2008, 2009, 2010, 2011

- à l'année n+1, l'établissement  a accès aux années n-3, n -2, n-1, n, n+1
  soit en 2012: accès aux années 2008, 2009, 2010, 2011, 2012

- à l'année n+ 2, l'établissement  a accès aux années n-2, n-1, n, n+1, n+2
 soit en 2013: accès aux années 2009, 2010, 2011, 2012, 2013

-  à l'année n+ 3, l'établissement  a accès aux années n-1, n, n+1, n+2, n+3
 soit en 2014: accès aux années 2010, 2011, 2012, 2013, 2014

- à l'année n+ 4, l'établissement a accès aux années n, n+1, n+2, n+3, n+4
soit en 2015: accès aux années 2011, 2012, 2013, 2014, 2015.

A partir de l'année n+4, le mécanisme des  années roulantes cesse de fonctionner car l'année du début de la couverture chronologique coïncide avec l'année n du premier abonnement.

En contrepartie de la perte chaque année d'une année d'archive, l'éditeur propose le rachat des archives à des tarifs élevés.

Ce modèle est aberrant. Les établissements payent deux fois leur abonnement: une fois pour l'année en cours et les années roulantes, un seconde pour l'accès aux archives auxquelles ils avaient eu accès... avant que la barrière ne bouge.


A quand un boycott, semblable à ceux menés récemment à propos de Springer ou d'Elsevier, à l'encontre des éditeurs scientifiques qui se livrent à ce genre de pratiques?